Julien Lefebvre - 19 oct. 2025Les 5 principaux problèmes que Angular Native Federation ne résout pas (et solutions pratiques)
Une vision claire, une équipe motivée, des objectifs ambitieux. Et pourtant, combien dérapent en route ?
L’architecture Native Federation change profondément la manière de concevoir et de déployer des applications Angular. En permettant une approche réellement modulaire et distribuée, elle offre une agilité précieuse pour les équipes de développement.
Mais cette liberté a un prix. Derrière les promesses de flexibilité et de scalabilité, plusieurs obstacles techniques émergent rapidement : configuration éclatée, duplication des assets, incohérences dans l’internationalisation, gestion complexe des versions, difficulté accrue de debugging.
Si ces défis ne sont pas anticipés, ils peuvent ralentir les livraisons, dégrader les performances et compromettre la maintenabilité de l’ensemble du système.
Dans cet article, nous explorons les 5 principaux problèmes (classés par criticité) que Native Federation ne résout pas, ainsi que des solutions pratiques pour les contourner sans sacrifier la puissance de cette architecture.
Niveau 1 – Critique (à adresser en priorité)
Gestion du versioning : maîtriser les dépendances et la compatibilité
Dans une architecture fédérée, chaque module est versionné et déployé indépendamment. Cependant, cette autonomie se heurte à des contraintes techniques majeures, notamment avec Angular :
- Incompatibilités entre versions d’Angular : Angular impose une version unique et cohérente pour l’ensemble de l’application. Il est impossible d’avoir des modules fédérés utilisant des versions différentes d’Angular (ex. : un module en v20 et un autre en v19). Cette contrainte limite la flexibilité promise par la fédération et oblige à des migrations synchronisées, coûteuses en temps et en ressources.
- Conflits de dépendances : Même si les modules fédérés peuvent théoriquement gérer leurs propres dépendances, Angular et ses bibliothèques associées (RxJS, @angular/material, etc.) doivent être alignées sur une seule version. Un module utilisant une version différente d’une bibliothèque partagée (ex. : RxJS) peut casser l’intégration avec d’autres modules.
- Difficulté à garantir la rétrocompatibilité : Les contrats d’API entre modules doivent être strictement documentés et respectés. Une modification mineure dans un module (ex. : changement de signature d’un service) peut avoir un impact en cascade sur l’ensemble de l’application, sans détection précoce.
- Gouvernance complexe : Contrairement à un monolithe, où une seule version de chaque dépendance est utilisée, la fédération impose une coordination renforcée entre les équipes pour éviter les divergences. Cela se traduit par des coûts de maintenance élevés et des cycles de livraison ralentis.
Conséquences
- Risques accrus de régressions en production, notamment lors des mises à jour majeures d’Angular.
- Complexité accrue pour les équipes, qui doivent synchroniser leurs migrations et tester exhaustivement les compatibilités.
- Perte de flexibilité, l’un des principaux avantages de la fédération, en raison des contraintes imposées par Angular.
Solutions envisageables
- Adopter une stratégie de migration progressive : Planifier les mises à jour d’Angular de manière centralisée et synchronisée entre les modules pour éviter les incompatibilités.
- Utiliser des Web Components pour contourner les limitations d’Angular :
- Indépendance des versions : Chaque Web Component peut utiliser sa propre version d’Angular (ou d’un autre framework), sans conflit avec le reste de l’application.
- Encapsulation renforcée : Les styles et comportements sont isolés, réduisant les risques d’interférences entre modules.
- Intégration fluide : Les Web Components peuvent être chargés dynamiquement et s’intégrer dans n’importe quelle application, y compris celles utilisant des versions différentes d’Angular.
- Automatiser les tests de compatibilité :Intégrer des outils comme Nx ou Lerna pour valider les dépendances et les contrats d’API entre modules, et détecter les incompatibilités dès les phases de développement.
- Documenter rigoureusement les contrats d’API :Mettre en place des spécifications claires (ex. : OpenAPI, JSON Schema) pour les services et composants partagés, et imposer des revues de code systématiques avant toute modification.
Gestion de la configuration : éviter la fragmentation des paramètres
Dans une architecture fédérée, chaque module peut avoir ses propres variables de configuration (endpoints API, clés d’authentification, features flipping, etc.). Cette dispersion introduit plusieurs risques :
- Incohérence des environnements : Les modules peuvent utiliser des configurations différentes pour un même environnement (dev, staging, prod), ce qui rend difficile la garantie d’un comportement uniforme.
- Sécurité compromise : La multiplication des fichiers de configuration augmente le risque de fuites de données sensibles (ex. : clés API exposées dans un module mal sécurisé).
- Complexité de déploiement : Les pipelines CI/CD doivent gérer des configurations spécifiques à chaque module, ce qui alourdit les processus DevOps.
Conséquences
- Risques accrus de pannes en production dues à des configurations incompatibles.
- Difficulté à appliquer des changements globaux (ex. : migration d’un endpoint API).
- Surcoût opérationnel pour maintenir et auditer les configurations.
Solutions envisageables
- Centraliser la configuration via un service dédié.
- Automatiser la validation des configurations dans les pipelines CI/CD.
- Standardiser les formats de configuration pour faciliter la maintenance.
Niveau 2 – Important (à stabiliser rapidement)
Gestion du debugging : surmonter la complexité distribuée
Native Federation introduit une couche d’abstraction supplémentaire, ce qui complique :
- Le tracing des erreurs : Une erreur dans un module fédéré peut être difficile à remonter jusqu’à sa source, surtout si les logs sont dispersés.
- La surveillance des performances : Les outils traditionnels (APM) ne sont pas toujours adaptés à une architecture distribuée.
- L’analyse d’impact : Comprendre comment une modification dans un module affecte l’ensemble de l’application devient complexe.
Conséquences
- Temps moyen de résolution (MTTR) augmenté.
- Difficulté à identifier les goulots d’étranglement dans une architecture distribuée.
- Manque de visibilité sur les interactions entre modules.
Solutions envisageables
- Investir dans des outils d’observabilité avancés.
- Standardiser les logs et les métriques pour faciliter le debugging.
- Former les équipes aux bonnes pratiques de debugging dans un environnement fédéré.
Niveau 3 – Améliorations (optimisation progressive)
Gestion des assets : optimiser les images et ressources statiques
Les assets (images, icônes, polices) sont souvent externalisés ou dupliqués dans les modules fédérés. Cela pose plusieurs problèmes :
- Duplication inutile : Plusieurs modules peuvent embarquer les mêmes assets, alourdissant le bundle et dégradant les performances.
- Problèmes de caching : Les assets chargés dynamiquement depuis différents modules peuvent ne pas bénéficier d’un caching optimal, surtout si leurs URLs ne sont pas stables.
- Difficulté à appliquer des optimisations globales (ex. : compression, conversion en WebP) sans une gouvernance centralisée.
Conséquences
- Dégradation des performances (temps de chargement, score Lighthouse).
- Coûts CDN accrus si les assets ne sont pas optimisés.
- Expérience utilisateur impactée par des temps de réponse plus longs.
Solutions envisageables
- Créer un repository centralisé pour les assets partagés.
- Utiliser des stratégies de caching avancées.
- Automatiser l’optimisation des assets avec des outils spécialisés.
Gestion de l’internationalisation : garantir la cohérence linguistique
L’internationalisation est un enjeu critique pour les applications multi-régions. Avec Native Federation :
- Fichiers de traduction dispersés : Chaque module peut gérer ses propres ressources i18n, ce qui rend difficile la cohérence terminologique et la maintenance centralisée.
- Chargement asynchrone des traductions : Les modules fédérés peuvent afficher du contenu avant que leurs traductions ne soient disponibles, créant des incohérences.
- Difficulté à appliquer des mises à jour globales (ex. : changement de marque, correction de terminologie).
Conséquences
- Expérience utilisateur dégradée si les traductions sont incomplètes ou incohérentes.
- Complexité accrue pour les équipes qui doivent coordonner les mises à jour i18n.
- Risque de non-conformité avec les exigences locales (ex. : réglementations linguistiques).
Solutions envisageables
- Centraliser la gestion des traductions via un module dédié ou un service externe.
- Mettre en place un système de fallback pour éviter les contenus non traduits.
- Automatiser la synchronisation des ressources i18n entre les modules.
Conclusion : une architecture puissante, à condition de bien la maîtriser
Native Federation est une avancée majeure pour les architectures Angular modulaires. Elle permet aux équipes de développer et de déployer indépendamment, tout en construisant des applications plus évolutives.
Roadmap pour réussir une adoption de Native Federation :
Standardiser l’essentiel
- Centraliser la configuration, les assets et les traductions.
- Définir des conventions claires (naming, versioning, contrats d’API).
Automatiser au maximum
- Mettre en place des pipelines CI/CD qui valident les configurations et les compatibilités.
- Automatiser l’optimisation des assets et la synchronisation i18n.
Renforcer l’observabilité
- Standardiser les logs et les métriques.
- Investir dans des outils de tracing et de monitoring adaptés aux architectures distribuées.
En d’autres termes : commencez petit, standardisez vite, et investissez tôt dans la gouvernance organisationnelle et technique. Les équipes qui adoptent cette discipline transformeront Native Federation en un levier d’innovation et d’agilité, au lieu de la voir comme une source de complexité.
Pour aller plus loin : Ressources sur Native Federation avec Angular
Documentation officielle et guides techniques
- Angular Native Federation : La documentation officielle de l’équipe derrière Native Federation pour Angular, incluant des articles couvrant de nombreux sujets.
- Solution avec les Web Components pour gérer plusieurs versions d’Angular entre le Shell et les remotes.
- Github officiel de la librairie Native Federation.